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Une tribune sur le Maroc de l’ex ministre espagnol de la Défense

UNE TRIBUNE SUR LE MAROC DE L’EX MINISTRE ESPAGNOL DE LA DÉFENSE

Quelques heures avant la visite officielle au Maroc, ce mercredi 21 février 2024, de Pedro Sánchez Pérez-Castejón, président du gouvernement espagnol, José Bono, ex ministre espagnol de la Défense, a signé une tribune sur le média numérique espagnol d’actualité El Español, se félicitant du nouveau tournant que prennent les relations entre l’Espagne et le Maroc.

José Bono
José Bono

« Les relations bilatérales hispano-marocaines traversent le meilleur moment de leur histoire. La rencontre tenue le 7 avril 2022 entre le roi du Maroc Mohamed VI et le président Pedro Sánchez a ouvert une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays. Depuis, le ministre marocain Bourita et l’Espagnol Albares ont travaillé discrètement et efficacement au renforcement de leurs relations mutuelles.

Nous avons connu des affrontements dans le passé, notamment une relation coloniale complexe. Rappelons par exemple la participation des soldats marocains au soulèvement de Franco ou encore que les deux lions du Congrès des députés sont réalisés en bronze coulé provenant de canons marocains capturés en 1860.

Des désaccords ont également surgi ces derniers temps : il suffit de rappeler comment Aznar a fait monter la tension entre les deux nations avec l’incident de l’île de Perejil. Pourtant, la géographie nous unit : le Maroc et l’Espagne sont voisins depuis des millénaires. Rechercher la compréhension est intelligent et provoquer des conflits est maladroit. Les temps des clubs, des châteaux et des menaces ont heureusement laissé place à un climat d’amitié.

Nous apprenons à être des amis fidèles. Nos deux pays ont besoin l’un de l’autre car le Maroc dépend autant de l’Espagne que l’Espagne dépend du Maroc. La réalité actuelle nous lie : en Espagne, il y a près de 800 000 Marocains, qui forment la première communauté étrangère dans notre pays ; L’Espagne est le deuxième partenaire commercial du Maroc, après la France ; Les échanges commerciaux dépassent déjà les 20 milliards d’euros ; 600 entreprises espagnoles à participation majoritaire et 3 500 entreprises à participation non majoritaire sont implantées au Maroc ; 12 500 entreprises espagnoles exportent régulièrement au Maroc.

En outre, le Maroc déploie de grands efforts pour remplir ses engagements envers l’Europe et l’Espagne, avec une poursuite efficace du terrorisme et un contrôle important des frontières et du trafic d’immigration irrégulière.

Déjà sous le gouvernement Zapatero, des progrès indéniables ont été réalisés dans la bonne direction. La volonté d’entente avec le Maroc a été la règle imposée depuis la Moncloa : le 15 juillet 2004, le roi Mohamed VI a accepté la proposition de l’Espagne d’établir une mission militaire de paix conjointe entre les deux pays pour agir en Haïti. C’était la première fois dans l’histoire que des soldats marocains et espagnols participaient à une mission conjointe des Nations Unies.

Ensuite, ce qui ne devrait pas arriver s’est produit, c’est-à-dire qu’entre pays voisins et amis, le plus important est de veiller à la loyauté mutuelle, lorsque cette valeur est perdue, tout ce qui est construit s’effondre. Il faut reconnaître que nous avons amené l’ennemi numéro un du Maroc en Espagne (Brahim Ghali, le chef du groupe séparatiste armé Polisario, NDLR), en catimini. Le pays voisin a considéré qu’il s’agissait d’un acte inamical et la confiance a été perdue. Le reconnaître (l’acte inamical de l’Espagne qui a entraîné une crise de confiance NDLR) est un acte de justice.

La rencontre du 7 avril 2022 entre Mohammed VI et Pedro Sánchez (qui a clôt cette crise NDLR) a marqué un avant et un après dans les relations entre l’Espagne et le Maroc. Depuis lors, on constate que les relations bilatérales traversent le meilleur moment historique.

Le Maroc est à 14 kilomètres de la péninsule. Cette courte distance sépare deux mondes très différents. Au nord, un pays européen à majorité catholique et au sud, un pays africain et musulman. Il est surprenant, au vu de l’histoire des relations dans le monde, que nous ayons atteint le niveau de coopération et de bon voisinage que nous avons. Franchement, je crois que parmi les 22 pays qui composent la Ligue arabe et les 55 de l’Union africaine, nous avons eu le meilleur voisin possible.

Il ne s’agit pas d’idéaliser la réalité marocaine, ni de compenser par la flatterie des appréhensions et des complexes hérités, mais il faut savoir où l’on va et le dire clairement. Il n’existe pas de pays modèles à 100 %, mais l’Espagne et la communauté internationale ont avec le Maroc un pays stable, avec des gouvernements qui sortent des urnes, le pays le plus progressiste et moderne du monde arabe.

Le Maroc est probablement le seul parmi les pays dans lesquels est survenu ce que l’on appelle le « Printemps arabe » qui n’a pas conduit à une guerre, une dictature ou une répression, mais à l’adoption d’une nouvelle constitution approuvée lors des élections.

L’accession de Mohamed VI au trône, le 30 juillet 1999, entraîne le limogeage du ministre de l’Intérieur, principal responsable des violations des droits de l’homme commises jusqu’alors. L’ère du plomb s’est terminée avec les enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises entre 1956 et 1999. Des centaines d’audiences publiques télévisées ont eu lieu avec des témoignages. Au total, 27 254 victimes ont été indemnisées financièrement.

L’enquête a été ordonnée par Mohamed VI pour découvrir les crimes commis, non pas sous un régime étranger, mais sous le gouvernement de son père Hassan II, ce qui revêt une signification particulière qu’on ne peut nier. Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 20 ans.




Le Sahara

La décision de Pedro Sánchez de soutenir le plan marocain d’autonomie pour le Sahara est une décision juste et courageuse car les Sahraouis en ont assez de la situation de stagnation dans laquelle ils vivent et méritent des solutions à leurs souffrances. Les proclamations verbales d’un nationalisme souverain ne nourrissent ni ne guérissent les maladies. La majorité des réfugiés vivant dans les camps algériens de Tindouf ont besoin d’une aide humanitaire pour survivre car 7,6% souffrent de malnutrition aiguë ; 50% des enfants souffrent d’anémie et seulement 1% des réfugiés parviennent à accéder à l’université.

Je n’ai jamais nié ma sympathie pour les Sahraouis. Comme une bonne partie de la gauche espagnole, j’ai partagé leur cause et en tant qu’avocat j’ai enfilé la toge pour défendre les dirigeants du Polisario accusés par Franco d’association illicite. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé et le Polisario, comme l’a dit un leader du PNV, ne peut ignorer ces changements et doit discerner ce qui est possible et ce qui est impossible.

Avec la même liberté et indépendance avec laquelle j’ai critiqué le Maroc, j’ai désormais un avis favorable et je l’exprime. L’Espagne est le pays qui porte la plus grande responsabilité historique dans la région du Sahara. La décision prise par le gouvernement de Pedro Sánchez est donc très importante. À mon avis, c’est la décision la plus logique et la plus sensée qui ait été prise depuis que l’Espagne a signé le Traité de Madrid en 1975 et a restitué le Sahara à qui il appartenait historiquement.

Les Sahraouis ont plus besoin de solutions que de résolutions. Un État supplémentaire dans la zone ne semble ni possible ni viable. Répéter quotidiennement qu’un référendum d’autodétermination doit être organisé alors qu’un recensement des réfugiés à Tindouf n’est même pas autorisé est une chose qui diminue le crédit de ceux qui agissent de cette manière. »