mercredi, novembre 5, 2025
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Exportation de voitures: comment le Maroc est devenu leader en Afrique

Le Maroc, locomotive de l’automobile africaine : un modèle d’industrialisation et d’innovation

En quelques décennies, le Maroc s’est imposé comme le premier exportateur de voitures en Afrique et un acteur incontournable du marché automobile mondial. Fort du soutien de géants comme Renault et Stellantis, le pays dispose aujourd’hui d’un écosystème industriel intégré regroupant plus de 270 fournisseurs et d’une capacité de production annuelle avoisinant un million de véhicules. En 2023, les exportations du secteur ont dépassé 14 milliards de dollars, et le royaume vise désormais la barre symbolique des deux millions de véhicules produits dans les prochaines années.

Des débuts modestes à un essor spectaculaire

L’histoire de l’industrie automobile marocaine débute en 1959, avec la création de la SOMACA (Société marocaine de constructions automobiles), à l’initiative du gouvernement et avec le soutien technique de Fiat et de SIMCA. À l’époque, l’objectif était simple : assembler des véhicules importés sous forme de kits (CKD), première étape vers une industrialisation locale.
Le capital de la SOMACA était alors détenu à 38 % par l’État marocain et à 20 % par chacun des partenaires européens.

En 2002, l’État cède ses parts à Renault pour 8,7 millions d’euros, faisant du constructeur français l’actionnaire majoritaire. Trois ans plus tard, l’usine assemble sa première Dacia Logan, marquant le début d’une nouvelle ère.

2012 : l’inauguration qui a tout changé

Le véritable tournant intervient en 2012, lorsque Sa Majesté le Roi Mohammed VI inaugure l’usine Renault Tanger Med, issue d’un partenariat signé en 2008 entre le Maroc, Renault et Veolia Environnement.
Implantée sur 300 hectares, cette usine ultramoderne emploie plus de 6 300 personnes (décembre 2024) et produit des modèles phares du groupe, tels que la Dacia Sandero 3, la Dacia Jogger, le Renault Express ainsi que les véhicules électriques Mobilize Duo et Bento. Ce projet a redéfini le paysage industriel du pays, en établissant Tanger comme hub automobile majeur à l’échelle régionale.

Un écosystème en pleine expansion

Le succès de Renault a ouvert la voie à d’autres acteurs internationaux. Stellantis (Peugeot-Citroën) a rejoint le marché, suivi par un réseau dense de fournisseurs de rang 1, tels que Valeo, Aptiv, Yazaki, Denso et Magna à Tanger, ou encore Saint-Gobain, Leoni et Sumitomo à Kénitra et Casablanca.
En 2025, le Maroc compte 270 fournisseurs automobiles répartis sur six régions, contre seulement 35 en 2000, selon l’AMDIE (Agence marocaine de développement des investissements et des exportations).

Des chiffres records et une compétitivité accrue

Grâce à cette montée en puissance, la capacité nationale de production atteint 960 000 véhicules par an, avec un taux d’intégration locale de 69 %.
En 2023, les exportations automobiles ont généré 14,1 milliards de dollars, consolidant la place du Maroc comme plaque tournante régionale et mondiale.
Entre 2014 et 2021, le secteur a permis la création de plus de 180 000 emplois et généré 80 milliards de dirhamsd’exportations. Même pendant la pandémie, il a résisté, réalisant 72 milliards de dirhams d’exportations.
En 2021, selon l’OCDE, le Maroc devient le deuxième plus grand exportateur de voitures vers l’Union européenne.

Une stratégie d’État : le Plan d’accélération industrielle

Pour accompagner cette dynamique, le gouvernement a lancé le Plan d’accélération industrielle (PAI) 2014-2020, favorisant une approche écosystémique.
Le plan a permis la création de huit écosystèmes automobiles, couvrant le câblage, l’assemblage, les intérieurs, les moteurs, les batteries, ainsi que des programmes dédiés pour Renault et PSA.
Il prévoit également 275 hectares de zones industrielles aménagées et la formation de 90 000 travailleurs qualifiés, soutenue par des incitations financières ciblées.

La formation, clé de la réussite marocaine

Au cœur de cette réussite, l’Institut de formation aux métiers de l’industrie automobile (IFMIA), créé en 2013 à Casablanca, Kénitra et Tanger, en partenariat avec Renault et Stellantis, a déjà formé plus de 50 000 professionnels.
Avec un taux d’insertion de 98 %, l’institut alimente les besoins des constructeurs et sous-traitants du secteur.

Une main-d’œuvre jeune, qualifiée et compétitive

Le Maroc tire parti d’une population jeune (âge moyen : 29 ans) et hautement qualifiée.
Chaque année, 180 000 diplômés universitaires intègrent le marché du travail, dont 19 000 ingénieurs et 55 000 techniciens spécialisés dans l’automobile et la mécanique.
Le pays se distingue également par la forte représentation féminine (42 % des ingénieurs) et par la maîtrise linguistique, notamment de l’anglais, facteur clé d’ouverture internationale.

Le coût de la main-d’œuvre, estimé à 106 dollars par véhicule (rapport Oliver Wyman 2025), demeure parmi les plus compétitifs au monde, positionnant le Maroc aux côtés de la Roumanie et du Mexique comme l’un des centres de production les plus efficients à l’échelle mondiale.

Des atouts logistiques stratégiques

La réussite du secteur repose aussi sur une infrastructure logistique de premier plan, dominée par le port Tanger Med, l’un des plus performants au monde.
Le Maroc bénéficie en outre d’un réseau d’accords de libre-échange offrant un accès privilégié à un marché de 2,5 milliards de consommateurs, et d’une proximité géographique unique avec l’Europe — permettant des livraisons vers la France, l’Espagne ou l’Italie en moins de 24 heures.

Une trajectoire ambitieuse vers l’avenir

La croissance du secteur ne montre aucun signe de ralentissement.
Au premier semestre 2025, la production a bondi de 36 %, atteignant 350 000 véhicules, contre 257 000 sur la même période en 2024.
Selon le ministre de l’Industrie Ryad Mezzour, la capacité nationale dépasse déjà un million de véhicules et vise 1,45 million à court terme, puis deux millions à moyen terme.

La semaine dernière, un nouvel accord stratégique 2025-2030 a été signé entre le Maroc et Renault, prévoyant :

  • la production de véhicules hybrides et électriques d’ici 2030,

  • la création d’un centre d’ingénierie et de R&D dès 2025,

  • et la création de 7 500 emplois directs.

En bref…

Le Maroc est passé, en un peu plus d’un demi-siècle, du montage de véhicules sous licence étrangère à une puissance automobile régionale intégrée et compétitive.
Grâce à une vision royale claire, une main-d’œuvre qualifiée, des infrastructures de classe mondiale et une stratégie industrielle cohérente, le royaume est en train de redéfinir sa place dans la chaîne mondiale de valeur automobile — et de s’imposer comme le hub africain de la mobilité de demain.