samedi, juillet 27, 2024
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Désaccord de pêche Maroc-UE : et ?

NON-RECONDUCTION DE L’ACCORD DE PÊCHE MAROC-UNION EUROPÉENNE : ET ?

À l’approche de la date limite du 17 juillet, l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne, qui inclut les eaux du Sahara marocain, semble peu susceptible d’être renouvelé, et aucune perspective de future négociation ne se dessine.

En plus de son caractère obsolète, cet accord est entouré de surenchères et de pressions, notamment de la part de la justice européenne. Le grand perdant dans cette situation est indéniablement l’Union européenne.

De son côté, le Maroc a tout à gagner en se débarrassant de cet accord.

La non-reconduction de l’accord de pêche Maroc-Union Européenne, c’est du pain bénit !

Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas le Maroc d’hier.

Le Maroc se positionne comme un partenaire et non pas comme un pays qui vend de la ressource contre de l’argent.

Pour le Maroc, c’est clair comme de l’eau de roche: aucun accord conclu s’il ne respecte pas la souveraineté nationale.

De plus il était largement reconnu que les compensations financières sont dérisoires, que la sur-pêche a des conséquences néfastes sur les écosystèmes, et que cela a un impact négatif sur les marchés locaux et la pêche artisanale.

Les marocains ne comprennent pas la hausse des prix du poisson malgré la présence de deux façades maritimes et de 3 500 kilomètres de côtes.




««L’aide» de l’Union européenne sur 4 ans est de 208 millions d’euros. Or, les exportations marocaines de produits maritimes atteignent 2,5 milliards $»

Dans sa configuration actuelle, l’accord autorise 128 navires appartenant à 11 pays membres de l’Union européenne à pêcher dans les eaux marocaines.

L’Espagne est le principal bénéficiaire avec 93 navires.

En échange, l’Union européenne verse une aide financière au Maroc, comprenant une « compensation pour l’accès à la zone de pêche, un soutien au secteur de la pêche marocain et le paiement de redevances par les armateurs ».

Le montant total de cette « aide » pour les quatre années s’élève à 208 millions d’euros.

Une somme dérisoire !

Une goutte d’eau, pour ainsi dire.

En 2021, les exportations marocaines de produits de la mer ont atteint 778 000 tonnes, d’une valeur de 24,2 milliards de dirhams (2,5 milliards de dollars), selon le ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime.

De nombreuses options s’offrent au Maroc, notamment la signature d’accords de pêche individuels entre États, qu’ils soient européens ou pas.

À noter, comme exemple, que le Maroc vient de signer un projet avec le Japon portant sur le développement de l’aquaculture au Maroc.




AVIS DE SPÉCIALISTES :

«Le Maroc n’a plus à s’engouffrer dans les innombrables litiges qui entourent cet accord, les ratifications, les annulations avant reconduction, les procédures d’appel… Le tout, dans un mélange insoluble d’intérêts économiques et de récupération politique. Et cela dure depuis huit ans, quand l’ONG britannique Western Sahara Campaign UK (WSCUK) a commencé à en dénoncer le contenu au nom de la spoliation par le Maroc des ressources halieutiques dans les provinces du Sud».

«Nous avons largement critiqué cet accord, qui est considéré comme une exploitation des ressources naturelles marocaines à bas prix. Cet accord a, qui plus est, été exploité politiquement et est devenu un moyen de pression sur le Maroc. Or, nous n’avons nullement à nous justifier d’exploiter des ressources qui profitent d’abord à la population locale, et ce, d’après l’Union européenne elle-même».

«Les produits de la pêche doivent être valorisés et trouveront facilement d’autres clients, marocains, européens et non européens. D’ailleurs, il y va de notre capacité à diversifier nos partenaires commerciaux et à sortir des schémas traditionnels. Le Maroc est déjà lié par des accords de pêche avec des pays comme la Russie ou le Japon. La Grande-Bretagne, l’Amérique du Nord, la Chine et l’Inde sont autant de clients potentiels pour nos produits de la pêche» remarque l’économiste marocain Mohamed Jadri.




«De façon générale, l’Union européenne use très souvent de chantage et de menaces envers les pays tiers hésitant à ne pas signer avec elle des accords de pêche, en les menaçant de ne pas signer d’accords commerciaux préférentiels par exemple. En dehors de ces effets indirects, la Communauté exerce parfois une pression officielle et ouverte dans les accords eux-mêmes en un chantage à peine voilé (…) dans tous les pays, durant les négociations pour les renouvellements des accords, le secteur local qui exporte vers l’Europe subit toutes sortes de chantages : aides non mobilisées, inspections sanitaires plus drastiques, normes plus lourdes à appliquer, inspections sur place et toutes autres sortes de vexations directes et indirectes», remarque le professeur mauritanien ZOA Salem.

Pour le Maroc, sortir de l’accord de pêche est relativement facile, étant donné qu’il s’agit d’un droit de pêche pouvant être maintenu, suspendu ou supprimé. Cela diffère de l’accord agricole qui repose sur des transactions commerciales basées sur la logique des produits et des marchés, plutôt que sur la territorialité, et qui est soumis à des droits de douane.

«Je n’ai jamais été favorable à l’idée d’un accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne, mais il aura fallu tenir compte des intérêts suprêmes du pays et du fait qu’il penchait progressivement en faveur du Maroc, que ce soit en matière de hausse des redevances, de réduction de la flotte ou d’obligation de décharge au Maroc. Mais une chose est certaine: cet accord n’est valable que dans le cadre d’un package global.».

«Juridiquement, il y a des différences majeures entre l’accord agricole et l’accord de pêche», remarque Hassan Sentissi El Idrissi, président de la Fédération nationale des industries de transformation et de valorisation des produits de la pêche au Maroc.