Maroc : une réforme sur l’indemnisation des accidents de la route
Après plus de quatre décennies sans révision, le Maroc s’apprête à moderniser en profondeur le cadre juridique régissant l’indemnisation des victimes d’accidents de la route. La Chambre des députés vient d’adopter en première lecture le projet de loi n°70.24, un texte porté par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui introduit de nouveaux mécanismes de protection, revoit les critères d’indemnisation et adapte la loi aux réalités technologiques et économiques de 2024.
Accidents de la route : la Chambre des députés adopte une réforme majeure du régime d’indemnisation
Le Maroc modernise la loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la route avec l’adoption du projet de loi 70.24. Le texte rehausse les indemnités, simplifie les procédures, introduit de nouveaux critères et adapte le cadre juridique aux tramways, drones et futurs véhicules autonomes.
Une réforme attendue pour un texte vieux de 41 ans
La Chambre des députés a adopté en première lecture le projet de loi n°70.24, modifiant le dahir n°1.84.177 encadrant l’indemnisation des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres à moteur. Pour le ministre de la Justice, cette réforme était devenue indispensable : la loi n’avait pas été actualisée depuis 1984, alors même que la nature des accidents, les niveaux de revenus et l’environnement économique ont profondément évolué.
Lors de la séance législative, Abdellatif Ouahbi a rappelé que 655.360 accidents ont été enregistrés en 2024, dont 143.093 accidents corporels, entraînant 4.024 décès. Ces chiffres, particulièrement alarmants, illustrent la pression exercée sur le système d’indemnisation et la nécessité d’une réforme profonde.
Un coût humain et financier colossal pour le Royaume
Les indemnisations liées aux accidents de la route ont atteint 7,9 milliards de dirhams en 2024. Pourtant, seuls 26 %des dossiers sont réglés à l’amiable par les compagnies d’assurance. Le reste atterrit devant les tribunaux, rallongeant considérablement les délais et aggravant les souffrances des victimes.
Pour Ouahbi, il devient indispensable de garantir une plus grande clarté juridique, un traitement plus équitable et une réduction des litiges. La réforme vise justement à simplifier les procédures, harmoniser les pratiques et renforcer les obligations des assureurs.
Les assurances, un acteur clé de l’économie nationale
Abdellatif Ouahbi a tenu à rappeler que les compagnies d’assurance, souvent critiquées, représentent selon lui une “richesse nationale”. Elles investissent des capitaux importants qui génèrent des bénéfices destinés en partie au paiement des indemnisations, lesquelles dépassent aujourd’hui 9 milliards de dirhams par an.
Il met en garde contre les approches populistes qui décrivent les assureurs comme des « vampires » :
« Faut-il vraiment fermer ces entreprises et les remplacer par des multinationales étrangères ? Mon rôle est de trouver un équilibre entre l’intérêt du citoyen et celui des entreprises », a-t-il affirmé.
Pour le ministre, l’équilibre financier du secteur doit être fondé sur une analyse rigoureuse des recettes, des dépenses liées aux prestations et des marges, qui ne doivent pas excéder 10 %.
Une loi qui s’adapte aux nouvelles formes de mobilité
Ouahbi a souligné que la législation actuelle ne prend pas en compte de nouveaux types d’accidents apparus ces dernières années, comme ceux impliquant le tramway, les drones de livraison ou encore les véhicules autonomes, dont l’arrivée prochaine nécessitera un cadre juridique adapté.
Le projet de loi 70.24 intègre donc des dispositions permettant d’élargir la définition des véhicules concernés, mais aussi de renforcer la sécurité juridique des citoyens, des opérateurs et des assureurs.
De nouveaux critères d’indemnisation : revenus, salaires et croissance économique
Le texte introduit plusieurs nouveautés majeures concernant les modalités d’indemnisation. Il prévoit désormais la prise en compte de toute augmentation de revenus durant les douze mois précédant l’accident, un élément essentiel pour les travailleurs dont les revenus évoluent rapidement.
La valeur minimale du salaire utilisé pour calculer les indemnisations est également revue à la hausse, passant de 9.200 dirhams à 14.000 dirhams. Cette base sera révisée automatiquement tous les trois ans, en fonction du taux de croissance national. Ainsi, si la croissance atteint 1 %, la même valeur sera ajoutée au montant minimal retenu.
Un droit nouveau : révision de l’indemnisation en cas d’aggravation du dommage
L’une des avancées les plus significatives concerne la possibilité, pour les victimes, de demander une révision de l’indemnisation en cas d’aggravation ultérieure du préjudice. Sous l’ancien régime, les compagnies d’assurance rejetaient souvent cette demande, obligeant les victimes à supporter seules l’évolution de leurs dommages.
Cette nouvelle disposition corrige une injustice de longue date et renforce la protection des citoyens touchés par des accidents graves.
