jeudi, décembre 11, 2025
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Tourisme : le Maroc confirme son rang de 1ère destination africaine

Analyse approfondie des performances touristiques du Maroc, de l’Égypte et de la Tunisie en 2025 : croissance record, enjeux géopolitiques, perspectives de fin d’année et projection vers 2030. Un panorama complet des grandes destinations d’Afrique du Nord.

Afrique du Nord : l’année où le tourisme redessine la carte du continent

Avec des arrivées en pleine accélération et des recettes en forte progression, le Maroc, l’Égypte et la Tunisie s’imposent plus que jamais comme les locomotives touristiques du continent africain. À fin octobre 2025, les trois pays cumulent plus de 42 millions de visiteurs, portés par une reprise mondiale solide et par des stratégies nationales qui commencent à produire leurs effets. Mais derrière la croissance, des nuances importantes apparaissent, redéfinissant la hiérarchie régionale.

Le Maroc prend la tête : une ascension désormais difficile à contester

Une dynamique inédite qui dépasse les simples tendances mondiales

Entre janvier et octobre 2025, le Maroc s’impose comme la première destination touristique d’Afrique, un titre longtemps détenu par l’Égypte. Le Royaume a enregistré 16,6 millions de visiteurs, soit une hausse de 14 % par rapport à la même période de 2024. Le rythme impressionne : en moyenne, 1,66 million d’arrivées par mois, un niveau rarement atteint dans l’histoire touristique du pays.

La tendance s’est confirmée début novembre, où les arrivées ont franchi le cap des 18 millions, dépassant déjà le total annuel historique de 17,4 millions enregistré en 2024. Avec l’élan des vacances de fin d’année et la tenue de la Coupe d’Afrique des Nations (21 décembre 2025 – 18 janvier 2026), le Maroc pourrait s’approcher, voire dépasser, la barre symbolique des 20 millions de visiteurs, un cap qui rapprocherait encore davantage l’objectif stratégique fixé à 26 millions d’ici 2030.

MRE et marchés européens : les piliers des arrivées

La moitié des arrivées est traditionnellement portée par les Marocains Résidant à l’Étranger, un socle stable et fidèle qui soutient structurellement la demande. À cela s’ajoutent les marchés émetteurs classiques : France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, tous en progression malgré le ralentissement économique européen.

Des recettes en nette croissance : un levier macroéconomique majeur

Derrière les flux, les résultats financiers confirment la robustesse du secteur. À fin octobre 2025, les recettes touristiques ont atteint 113,26 milliards de dirhams, contre 97,04 milliards un an plus tôt. Une croissance de 16,7 %, qui contribue à la stabilité du dirham et au renforcement des réserves en devises.

La stratégie lancée en 2023 — diversification des produits, montée en gamme des infrastructures et renforcement de la promotion internationale — commence clairement à porter ses fruits.

L’Égypte résiliente malgré les turbulences géopolitiques

Une croissance spectaculaire, mais freinée par l’instabilité régionale

Avec 15,6 millions de visiteurs entre janvier et octobre 2025, l’Égypte affiche une croissance de 21 %, l’une des plus fortes de la région. Ses plages de la mer Rouge, son patrimoine millénaire et la réouverture progressive de plusieurs sites culturels lui permettent de rester un acteur incontournable du tourisme mondial.

Mais deux crises géopolitiques ont pesé sur son attractivité : la guerre à Gaza et les conséquences persistantes du conflit russo-ukrainien, qui ont freiné des marchés autrefois massifs, notamment les touristes russes, très présents avant 2022.

Allemands, Britanniques et pays du Golfe : le trio qui porte la reprise

L’Allemagne redevient le premier marché étranger, confirmant son rôle moteur dans la région de Hurghada. Pour renforcer cette dynamique, la station balnéaire a accueilli en novembre la conférence annuelle de RTK International, réunissant plus de 450 décideurs du voyage allemand. Les marchés britanniques et du Golfe complètent ce trio stratégique.

Le Grand Musée Égyptien : un tournant pour le tourisme culturel

L’inauguration du Grand Musée Égyptien, considéré comme l’un des projets muséaux les plus ambitieux au monde, offre au pays un nouvel atout. Avec plus de 100 000 pièces, dont la collection complète de Toutankhamon, l’Égypte espère attirer un public culturel haut de gamme et hausser son taux d’occupation hôtelier.

À cela s’ajoute l’extension de l’e-visa et du visa d’urgence, une mesure qui fluidifie les arrivées et s’inscrit dans une modernisation globale de l’accueil.

Une année 2025 bien partie pour égaler les records

Les recettes touristiques ont atteint 13,6 milliards de dollars à fin septembre, soit une hausse de 20 %. L’objectif annuel est fixé à 17 milliards de dollars, de quoi alléger le déficit public et soutenir la livre égyptienne.

La Tunisie dans une dynamique solide, portée par ses voisins maghrébins

Une progression maîtrisée malgré les turbulences du marché européen

Avec 9,5 millions de visiteurs à fin octobre, en hausse de 9,6 %, la Tunisie confirme sa reprise. Une arrière-saison particulièrement performante a permis de compenser un ralentissement estival dû à la hausse du coût des séjours.

Le marché tunisien repose fortement sur les visiteurs algériens et libyens, représentant à eux seuls 53 % des arrivées. L’augmentation de la dotation touristique en Algérie — passée de moins de 100 euros à 750 euros — a contribué à stimuler les départs vers la Tunisie, bien que de nouvelles restrictions sur les bus transfrontaliers pourraient freiner cet élan en fin d’année.

Retour des Européens et diversification des flux

Les arrivées européennes progressent de 7,8 %, avec un retour massif des Britanniques (+41,6 %), signe que la destination regagne progressivement la confiance perdue à la suite des attentats de 2015. Le marché français reste solide, dépassant le million de visiteurs.

Certains marchés toutefois s’érodent : Allemagne, Belgique, Espagne, République tchèque et Scandinavie enregistrent des reculs significatifs.

Des recettes en hausse et l’essor du tourisme de croisière

Les recettes ont atteint 7 milliards de dinars à fin octobre, soit environ 2,4 milliards de dollars, en hausse de 8 %. Elles devraient franchir 11 millions de visiteurs d’ici la fin de l’année, boostées également par la montée du tourisme de croisière, redevenu un levier stratégique pour la saison hivernale.

Une région en pleine expansion touristique

À elles trois, les principales destinations d’Afrique du Nord ont déjà accueilli 42,2 millions de visiteurs sur les dix premiers mois de l’année. La barre des 50 millions semble désormais accessible, une performance d’autant plus remarquable que l’été 2025 a été marqué par une stagnation conjoncturelle des dépenses européennes.

Les perspectives pour la fin d’année s’annoncent porteuses : fêtes, vacances scolaires, événements sportifs, ouverture de nouveaux musées, nouvelles liaisons aériennes… autant de facteurs qui devraient pousser les trois pays vers de nouveaux records.

Une nouvelle géographie touristique en gestation

L’année 2025 marque peut-être un tournant dans la hiérarchie des destinations africaines. Le Maroc caracole en tête, l’Égypte mise sur une transformation culturelle majeure et la Tunisie consolide son socle maghrébin tout en regagnant l’Europe. Mais la carte reste en mouvement, dépendante des aléas géopolitiques, des politiques d’investissement, de l’évolution du pouvoir d’achat en Europe et des stratégies d’ouverture au marché mondial. L’Afrique du Nord entre dans une nouvelle phase de compétition touristique, où chaque pays tente d’écrire sa place dans l’histoire — et où les prochaines années pourraient rebattre les cartes plus vite qu’on ne l’imagine.