dimanche, décembre 7, 2025
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La stratégie du Maroc face à la baisse des précipitations

Face à une crise hydrique structurelle, le Maroc accélère sa transition vers un nouveau modèle de gestion de l’eau fondé sur le dessalement, la réutilisation des eaux usées, l’interconnexion hydrique, l’irrigation de précision et l’intégration des technologies intelligentes pour anticiper les risques climatiques.

Crise de l’eau au Maroc : une nouvelle stratégie nationale face à un stress hydrique devenu structurel

Confronté à une chute durable des précipitations, à la baisse alarmante des nappes phréatiques et à une demande en constante augmentation, le Maroc redéfinit en profondeur sa stratégie hydrique. Entre montée en puissance du dessalement, modernisation agricole, innovations technologiques et gestion durable des nappes, le pays enclenche une transition majeure pour sécuriser ses ressources en eau.

Une réalité hydrique qui impose une transformation profonde

Le Maroc fait désormais face à une tension hydrique structurelle, loin des épisodes ponctuels des décennies précédentes. La raréfaction des pluies, l’épuisement progressif des ressources souterraines et la hausse continue des besoins domestiques, agricoles et industriels créent un contexte inédit. Cette situation impose au pays une révision urgente et durable de ses méthodes de gestion pour garantir l’accès à l’eau dans les années à venir.

Le dessalement, pilier central de la nouvelle stratégie

Le premier axe de réorientation est clair : le dessalement de l’eau de mer devient la colonne vertébrale de la stratégie hydrique nationale. Le Maroc dispose actuellement de 17 usines de dessalement, qui produisent près de 350 millions de m³ d’eau par an. Mais d’ici 2030, cette capacité devrait atteindre 1,7 milliard de m³, couvrant jusqu’à 60 % de la demande en eau potable selon le ministère de l’Équipement et de l’Eau.

Cette croissance s’appuie sur un modèle énergétique durable, les futures stations étant majoritairement alimentées par des énergies renouvelables, permettant à la fois de réduire les coûts et d’assurer une production stable.

Diversification des ressources : un modèle intégré et résilient

La stratégie nationale ne repose pas uniquement sur le dessalement. Le Maroc déploie une approche intégrée combinant barrages, recharge artificielle des nappes, réutilisation des eaux usées, gestion de la demande et interconnexion entre bassins hydriques.
Cette interconnexion permet de transférer l’eau des zones excédentaires vers les régions déficitaires, réduisant la dépendance aux précipitations locales et sécurisant l’approvisionnement des centres urbains comme des zones agricoles.

Transformation des usages : agriculture de précision et villes intelligentes

Les usages évoluent également. Le secteur agricole, premier consommateur d’eau, se convertit progressivement vers une irrigation de précision, appuyée par des systèmes de capteurs, des modèles climatiques et une optimisation avancée du goutte-à-goutte.
Dans les zones urbaines, les opérateurs modernisent les réseaux via l’installation de compteurs intelligents, capables de détecter rapidement les fuites et de réduire les pertes techniques, un enjeu crucial dans un contexte de rareté.

La réutilisation des eaux usées, un levier en pleine expansion

La réutilisation des eaux usées traitées prend une place croissante dans la stratégie hydrique nationale. Initialement destinée à l’arrosage des espaces verts, elle est désormais étendue aux secteurs industriel et agricole. Le Maroc vise à tripler les volumes réutilisés, un objectif déterminant pour diminuer la pression sur les nappes phréatiques, particulièrement dans les régions du Souss, du Haouz, de Doukkala ou encore du Sud-Est.

Des “contrats de nappes” pour stopper la surexploitation

Pour gérer durablement les nappes profondes, l’État déploie les contrats de nappes, un dispositif qui fixe des quotas d’extraction négociés entre agriculteurs, collectivités et opérateurs économiques.
À ce jour, cinq contrats sont actifs et dix-neuf sont en cours d’étude. L’objectif est de stabiliser des bassins aquifères où la surexploitation atteint des niveaux critiques, menaçant l’équilibre hydrique de régions entières.

Limiter les pertes naturelles : barrages équipés et panneaux solaires flottants

Dans certaines zones, l’évaporation des retenues d’eau dépasse 30 %, aggravant les déficits. Pour y remédier, le Maroc déploie des panneaux solaires flottants sur plusieurs barrages.
Cette technologie permet non seulement de réduire l’évaporation, mais aussi de produire une énergie propre, utilisée notamment pour le pompage, le dessalement et la digitalisation des systèmes de gestion de l’eau. Les premières expérimentations devraient être étendues au Sud et aux zones montagneuses.

Intelligence artificielle et ensemencement des nuages : l’innovation au service de l’eau

Le programme Al Ghait d’ensemencement des nuages se modernise grâce à l’intelligence artificielle et à une cartographie atmosphérique plus fine. Cette technique ne remplace pas les barrages ni le dessalement, mais constitue un levier complémentaire permettant d’amplifier les épisodes de précipitations dans l’Atlas, le Rif ou les zones irriguées.

Le Maroc explore aussi la production d’eau à partir de l’humidité atmosphérique, grâce à des dispositifs fonctionnant à l’énergie solaire capables de capter la vapeur d’eau et de la convertir en eau potable.

Renforcer l’anticipation : un système de veille climatique avancé

Pour mieux anticiper les risques, un système national de surveillance météorologique basé sur l’analyse des impacts climatiques a été mis en place. Il permet d’améliorer la planification, d’ajuster la gestion des ressources et de renforcer la réactivité face aux épisodes de sécheresse ou d’inondations.