mardi, décembre 9, 2025
InternationalNational

(Vidéo) UNESCO: une manœuvre de l’Algérie sur le caftan déjouée

À New Delhi, la 20e session du Comité intergouvernemental de l’UNESCO dédiée au patrimoine culturel immatériel s’est ouverte sur un épisode diplomatique inattendu de la part de l’Algérie sur le caftan marocain. Retour sur une séquence révélatrice des enjeux identitaires, politiques et symboliques qui entoure cette candidature au patrimoine mondial.

À New Delhi, l’UNESCO témoin d’une nouvelle tentative d’appropriation de l’Algérie sur le caftan

La 20e session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, organisée cette année à New Delhi, aurait pu débuter sous les auspices de la coopération culturelle. Mais dès les premières heures, il y a eu une initiative surprenante de la délégation algérienne sur le caftan. En toile de fond, une lutte d’influence entre Rabat et Alger sur la scène de l’UNESCO, où chaque geste, chaque vote, chaque amendement peut se transformer en message politique adressé au monde… mais surtout aux opinions publiques nationales.

Une ouverture de session marquée par un amendement inattendu

Lundi 8 décembre, alors que s’ouvraient officiellement les travaux du Comité intergouvernemental de l’UNESCO chargé de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, rien ne laissait présager que cette première journée serait marquée par une tentative de modification de l’ordre du jour. La délégation algérienne a en effet demandé l’ajout d’un amendement visant à élargir la désignation d’un habit traditionnel marocain déjà en cours d’examen, en y intégrant explicitement le « Port du Caftan ». C’est comme si, quand la France a inscrit la baguette française, une délégation étrangère aurait demandé l’ajout d’un amendement visant à élargir la désignation de la baguette en cours d’examen, en y intégrant explicitement la « consommation de la baguette »…

Cette démarche, présentée comme une réaction à un « manque d’information » préalable, a immédiatement attiré l’attention. Dans un espace diplomatique où les procédures sont strictement encadrées, un tel amendement en début de session est très rare. Il l’est encore davantage lorsqu’il touche un élément culturel historiquement et socialement associé à un pays, en l’occurence le Maroc.

À lire aussi : L’Algérie veut inscrire le zellige à l’UNESCO : échec assuré

Un vote secret proposé… et une délégation algérienne déstabilisée

Face à cette demande, le président indien de la séance adopte une position réglementaire sans ambiguïté : l’amendement doit être soumis à un vote et, compte tenu de sa nature sensible, ce vote aura lieu à bulletin secret. La proposition tombe comme un couperet. La délégation algérienne, visiblement surprise par cette procédure, interrompt immédiatement les discussions.

Une représentante demande alors une pause, prétextant la nécessité de « se concerter avec notre capitale ». Cette parenthèse inattendue instille une atmosphère de flottement dans l’assemblée, comme si l’initiative venait de révéler ses propres limites. Quelques minutes plus tard, la réponse tombe : l’Algérie retire officiellement la demande d’ajout de son amendement.

À lire aussi : La télé algérienne s’approprie un Canadair marocain

Le spectre d’un revers diplomatique encore récent

Ce retrait soudain n’a rien d’anodin. Derrière ce geste se profile la crainte d’un nouveau revers diplomatique sur la scène culturelle internationale. Un mois plus tôt, le 7 novembre, l’Algérie avait connu une défaite notoire lors de l’élection des membres du Conseil exécutif de l’UNESCO, où sa candidature n’avait pas été retenue. À l’inverse, le Maroc avait brillé, recueillant 146 voix, figurant parmi les pays les mieux élus aux côtés de la Jordanie et de l’Égypte.

Dans ce contexte, subir un vote défavorable sur un dossier culturel en pleine session internationale aurait constitué un second camouflet en moins de trente jours. En diplomatie comme en communication interne, l’Algérie ne pouvait se permettre une telle exposition.

À lire aussi : (Vidéo) Algérie : le célèbre Ksar Aït Ben Haddou (province de Ouarzazate) dans une vidéo officielle des autorités algériennes

Une manœuvre pensée pour l’opinion algérienne ?

Au-delà de l’épisode formel, l’initiative algérienne semble répondre à un autre objectif, plus politique que patrimonial : occuper symboliquement le terrain du caftan, au moment même où le Maroc défend devant le Comité son propre dossier d’inscription.

Selon plusieurs diplomates présents à New Delhi, cette tentative aurait avant tout vocation à nourrir la narration interne, en laissant croire que l’Algérie aurait été la première à porter le caftan au cœur de l’UNESCO. Une manière de déplacer le débat du terrain scientifique et documentaire vers celui de l’affirmation identitaire, dans un pays où le patrimoine est de plus en plus utilisé comme vecteur de légitimité politique.

À lire aussi : Une chaîne algérienne diffuse… une soirée marocaine

Le dossier marocain en attente de décision

De son côté, le Maroc a soumis une demande d’inscription du caftan sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, conformément aux normes de documentation et de méthodologie prescrites par l’UNESCO. Ce dossier sera officiellement examiné mercredi 10 décembre.

Le Maroc, déjà très actif dans la valorisation de ses traditions textiles — du savoir-faire du tissage aux pratiques vestimentaires cérémonielles — entend inscrire le caftan dans une continuité historique et culturelle parfaitement documentée, l’enracinant dans une longue tradition artisanale marocaine.

Au-delà des tensions et des communications nationales, cet épisode rappelle que le patrimoine immatériel ne se laisse jamais réduire à des frontières administratives.