Maroc : condamnation du banquier Daniel Ziouziou
Affaire bancaire hors norme à Tétouan : la Cour d’appel de Rabat condamne l’ancien directeur régional de l’Union marocaine des banques, Daniel Ziouziou, à douze ans de prison et à une réparation financière colossale. Retour sur l’un des plus grands scandales financiers du Maroc, marqué par un système de détournement sophistiqué mis en place sur plusieurs années.
Scandale bancaire à Tétouan : l’affaire qui ébranle le secteur financier marocain
La Cour d’appel de Rabat a tranché dans l’un des dossiers financiers les plus sensibles de ces dernières années. Au terme d’un long marathon judiciaire, l’ancien directeur régional de l’Union marocaine des banques (UMB), Daniel Ziouziou, a été condamné à douze années de réclusion, tout comme son subordonné, pour un système de détournement de fonds d’une ampleur inédite. Au-delà des peines de prison, l’affaire révèle les failles, les complicités internes et la sophistication d’un mécanisme frauduleux qui a ciblé aussi bien des institutions que des particuliers.
Un verdict lourd pour un scandale hors norme
La Chambre des crimes financiers de Rabat a rendu une décision à la mesure de la gravité des faits. En condamnant Daniel Ziouziou à 12 ans de prison ferme, la justice entend marquer les esprits. L’ancien dirigeant de l’UMB, par ailleurs vice-président du conseil communal de Tétouan, a été au centre d’un système de spoliation méthodique ayant causé des pertes considérables à la banque.
La peine est d’autant plus sévère qu’elle s’accompagne d’une sanction financière d’une ampleur exceptionnelle : 320 millions de dirhams de dédommagement à verser solidairement avec son complice, ainsi qu’une amende de 100 000 dirhams chacun. Une décision qui vient souligner l’ampleur du préjudice, mais aussi la détermination des magistrats à rétablir la confiance dans le secteur bancaire.
Détournements, falsifications et manipulations informatiques : une mécanique bien huilée
Les accusations portées contre Daniel Ziouziou couvrent un spectre large et particulièrement grave. La justice l’a reconnu coupable de détournement de fonds, de falsification de documents bancaires et d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données, autant d’infractions qui traduisent la complexité et la dangerosité du montage frauduleux.
L’enquête a démontré qu’il ne s’agissait pas d’un acte isolé ou improvisé. Le stratagème reposait sur une complicité interne : l’employé de l’agence, également condamné, exécutait les transactions frauduleuses, manipulait les données informatiques et maquillait les dossiers afin de brouiller toute tentative de contrôle. Les deux hommes formaient ainsi un binôme redoutablement efficace, capable de contourner les dispositifs de surveillance internes.
Une fraude construite patiemment, sur plusieurs années
Les investigations menées par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) ont permis de reconstituer la trame d’un système de prédation financière mené sur la durée. L’affaire éclate véritablement en 2024, après la détection de mouvements suspects sur plusieurs comptes, mais les premières manipulations remontent bien plus loin.
Les fonds siphonnés ont transité via une série d’opérations habilement dissimulées, donnant l’illusion de transactions légitimes. Ce mode opératoire a permis aux fraudeurs de puiser dans les comptes de clients institutionnels, d’organisations professionnelles et de particuliers, sans déclencher immédiatement d’alertes.
La sophistication de la fraude a mis en lumière des lacunes dans les systèmes de contrôle internes, mais aussi les limites de la surveillance automatisée lorsqu’elle se heurte à des agents internes disposant d’un accès technique privilégié.
Un dossier qui interroge : gouvernance, contrôle et confiance
Au-delà des condamnations, l’affaire soulève de nombreuses interrogations sur les mécanismes de contrôle dans les établissements bancaires marocains. La capacité de deux employés à détourner des montants aussi importants sur une période aussi longue interpelle, et pourrait inciter à une refonte des dispositifs de sécurité, de la gouvernance interne et des protocoles de supervision.
Pour l’Union marocaine des banques, cette affaire représente non seulement un préjudice financier colossal, mais également un enjeu de crédibilité auprès de ses clients et partenaires. Le verdict, aussi lourd soit-il, n’efface pas la nécessité d’une reconstruction de la confiance, élément central de toute activité bancaire.
Entre réparation et nécessaire introspection
Si le jugement rendu par la Cour d’appel de Rabat marque un tournant décisif dans ce dossier, il ne clôt pas pour autant toutes les questions qu’il soulève. Le scandale de Tétouan restera sans doute comme l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire bancaire du pays, révélateur des vulnérabilités mais aussi de la capacité de la justice à sanctionner fermement les dérives.
Reste à savoir comment les institutions financières du Royaume intégreront les leçons de cette affaire, et quelles transformations en découleront pour prévenir la répétition de tels abus. Entre réparations financières, réformes internes et restaurations de la confiance, une nouvelle phase s’ouvre — et son issue dépendra autant des régulateurs que des acteurs du secteur tout entier.
