mardi, décembre 9, 2025
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Sud du Maroc : une usine de polysilicium soutenue par les USA

*Le silicium polycristallin, aussi couramment appelé polysilicium ou poly-Si est une forme particulière du silicium. Il est largement utilisé dans les industries des circuits intégrés (CI) et du photovoltaïque (PV). C’est un matériau majeur utilisé dans la fabrication des puces semi-conductrices et des cellules solaires.

Le Maroc veut rebattre les cartes du polysilicium : Washington mise sur Tan-Tan pour contrer l’hégémonie chinoise

Les États-Unis soutiennent un projet marocain stratégique visant à bâtir une usine de polysilicium dans le sud du Maroc, destinée à réduire la dépendance mondiale envers la Chine dans les semi-conducteurs. Enjeu industriel, souveraineté technologique et ambitions énergétiques : décryptage d’une initiative de 870 millions de dollars.

Une initiative marocaine qui attire l’attention de Washington

Alors que la Chine domine presque totalement le marché mondial du polysilicium, matériau indispensable à la fabrication des microprocesseurs et des panneaux solaires, le Maroc avance ses pions avec un projet industriel inédit dans la région. En apportant un soutien financier et stratégique à cette initiative, les États-Unis entendent encourager une recomposition d’une chaîne d’approvisionnement jugée critique pour leur sécurité technologique. Enquête sur un partenariat qui pourrait redessiner la géopolitique des semi-conducteurs.

Le rapport publié lundi par Bloomberg est passé presque inaperçu, mais il constitue un signal fort : les États-Unis ont décidé d’accompagner le Maroc dans l’un des projets industriels les plus ambitieux du continent. La Société Financière Internationale de Développement (DFC), bras financier de Washington à l’étranger, vient d’accorder 4,75 millions de dollars à Sondiale SA, entreprise marocaine issue du groupe GreenPower Morocco.

Cette enveloppe ne représente qu’une première étape. Elle servira à financer les études préparatoires d’une usine de polysilicium estimée à 870 millions de dollars et prévue à Tan-Tan, aux portes du Sahara atlantique. Un site stratégique que Rabat imagine déjà comme un futur hub énergétique et industriel.

La quête du polysilicium hors de Chine

Le pari est audacieux. Aujourd’hui, plus de 90 % du polysilicium mondial est fabriqué en Chine, un monopole qui inquiète Washington depuis les tensions commerciales et technologiques sino-américaines. Ce matériau, pierre angulaire des semi-conducteurs et du photovoltaïque, est devenu un enjeu de souveraineté autant que de compétitivité.

Un responsable de la DFC, cité par Bloomberg, confirme que les États-Unis ne comptent pas rester spectateurs. Un entrepreneur américain doit d’ailleurs être chargé de superviser le développement de la future installation marocaine, qui vise en priorité les marchés américains et ceux de leurs alliés.

Un projet industriel dimensionné pour le marché mondial

Derrière cette ambition se trouve Tayeb Amegroud, directeur exécutif de Sondiale SA. L’entreprise fixe une cible claire : produire 30 000 tonnes de polysilicium par an, soit environ 1 % de l’offre mondiale actuelle. Ce volume, modeste au regard des géants asiatiques, constituerait néanmoins une percée significative pour un acteur africain.

Pour atteindre cet objectif, l’entreprise envisage de lever 800 millions de dollars sous forme d’investissements et de prêts, mobilisant à la fois des capitaux locaux et internationaux. Sur ce montant, jusqu’à 550 millions de dollars pourraient théoriquement être apportés par la DFC, même si Washington n’a pour l’heure pas confirmé un engagement aussi conséquent.

Un modèle énergétique 90 % renouvelable

L’atout majeur du projet marocain réside dans sa dimension énergétique. Sondiale SA mise sur un fonctionnement majoritairement propre : 90 % des besoins électriques de l’usine seraient couverts par des énergies renouvelables, le reliquat étant fourni par l’Office National de l’Électricité et de l’Eau potable (ONEE).

« Les partenaires du Maroc souhaitent diversifier la chaîne d’approvisionnement mondiale », affirme Amegroud. La promesse est double : garantir un polysilicium compétitif et valoriser l’un des meilleurs potentiels solaires et éoliens de la région MENA.

Un engagement fort du gouvernement marocain

Conscient du potentiel stratégique du projet, l’État marocain a déjà confirmé un investissement de 100 millions de dollars. L’usine, portée par Sondiale SA, filiale de GreenPower Morocco basée à Tanger, s’inscrit dans la vision industrielle nationale visant à attirer les industries d’avenir et à renforcer la valeur ajoutée locale.

Si le calendrier est respecté, l’usine devrait entrer en service fin 2029, constituant alors l’une des plus grandes infrastructures de ce type en Afrique.

Une nouvelle carte dans la géopolitique des semi-conducteurs

Au-delà de son ampleur technique, ce projet illustre une nouvelle tendance : l’émergence du Maroc comme acteur clé des chaînes industrielles mondiales. En offrant une plateforme stable, énergétiquement compétitive et géographiquement stratégique, le royaume attire de plus en plus les regards des partenaires occidentaux en quête de diversification.

Face à la domination chinoise, l’alliance maroco-américaine autour du polysilicium ouvre une fenêtre de recomposition. Reste à voir si Tan-Tan deviendra, dans les prochaines années, un nom incontournable de la haute technologie mondiale.

Vers un tournant encore à écrire

Ce projet, encore en pleine gestation, pourrait bien amorcer un changement d’équilibre dans une industrie dominée depuis trop longtemps par un seul acteur. Mais de nombreuses étapes restent à franchir, qu’il s’agisse de financement, de construction, d’acceptation internationale ou de compétitivité technologique. Entre ambitions politiques, enjeux énergétiques et réalités industrielles, le Maroc et ses partenaires américains avancent sur un terrain où tout reste possible. L’usine de Tan-Tan pourrait devenir un pilier d’une nouvelle géographie du polysilicium… ou simplement une première pierre dans un mouvement global encore difficile à anticiper.