Un ministre algérien accuse le Maroc de vols de patrimoine
Un ministre algérien accuse le Maroc de vols de patrimoine
Tensions culturelles : le ministre algérien de la Communication accuse le Maroc de « vol de patrimoine »
Lors d’une intervention particulièrement virulente devant les parlementaires algériens, le mercredi 12 juin, le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, a vivement critiqué le Maroc, l’accusant de s’approprier indûment plusieurs éléments du patrimoine culturel algérien. Parmi les griefs exprimés par le responsable gouvernemental figure une dénonciation pour le moins surprenante : l’appropriation du couscous, plat emblématique du Maghreb, que Meziane considère comme originaire exclusivement d’Algérie.
S’exprimant lors d’une séance plénière de questions orales au Parlement, le ministre a également accusé le royaume chérifien de s’être emparé de plusieurs chansons issues, selon lui, du répertoire traditionnel algérien. Il a notamment cité des œuvres musicales provenant de Tlemcen, ville du nord-ouest algérien réputée pour sa richesse culturelle et artistique. Meziane a souligné que ces chansons seraient, d’après « des spécialistes de l’histoire authentique de l’art et de la poésie », de création purement algérienne, même si leur style ou leur diffusion peut prêter à confusion.
Le ministre a également évoqué l’histoire complexe de Tlemcen, qui fut pendant plusieurs siècles sous dominance et influence marocaine, bien avant la naissance de l’Algérie moderne. Une réalité historique, selon lui, instrumentalisée pour justifier l’appropriation culturelle actuelle. Il affirme que les vestiges marocains dans les monuments de Tlemcen relèvent d’un passé commun, mais ne peuvent en aucun cas justifier une mainmise sur l’identité culturelle algérienne.
S’en prenant indirectement à certaines figures populaires du raï, sans toutefois les nommer, Mohamed Meziane a fait allusion à des chanteurs algériens comme Cheb Khaled ou Faudel, connus pour leur proximité avec le Maroc. Il les accuse d’avoir, volontairement ou non, contribué à brouiller les frontières culturelles en « naturalisant » des éléments du patrimoine algérien au profit du pays voisin, parfois sous la pression d’intérêts matériels ou financiers.
Mais c’est sur le terrain culinaire que les propos du ministre ont suscité le plus de remous. Il a dénoncé ce qu’il perçoit comme une tentative délibérée du Maroc d’annexer le couscous, plat phare de toute la région maghrébine, en tant que produit exclusivement marocain. « Le voisin s’attribue ce produit national, et ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres de biens culturels injustement revendiqués », a-t-il déclaré, en insistant sur le fait que « tous les historiens anciens s’accordent à dire que le couscous est apparu pour la première fois en Algérie ».
Ces déclarations interviennent alors que le couscous a pourtant été reconnu en 2020 par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel commun à quatre pays du Maghreb : l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. Une démarche conjointe saluée à l’époque comme un rare exemple de coopération régionale dans un contexte souvent marqué par les tensions politiques et diplomatiques.
Pourtant, selon Meziane, cette reconnaissance multilatérale n’a pas empêché le Maroc de poursuivre un « projet délibéré d’appropriation », accusant le royaume de profiter des périodes de fragilité vécues par l’Algérie – notamment les années 1990, marquées par la guerre civile – pour renforcer sa mainmise sur des symboles identitaires algériens. Le ministre algérien de la Communication cite entre autres le caftan, le zellige, l’architecture traditionnelle, le chant, la littérature populaire ou encore le fameux thé à la menthe.
Dans ce qui ressemble de plus en plus à une bataille d’influence culturelle à l’échelle maghrébine, les accusations du ministre algérien risquent d’envenimer davantage des relations déjà particulièrement tendues entre Alger et Rabat. Et de relancer le débat sensible de l’origine et de la propriété du patrimoine culturel au sein du Maghreb, région unie par des racines communes mais souvent divisée par les revendications identitaires.