Sebta et Melilla : les douanes commerciales bloquées par le Maroc
Les entrepreneurs de Sebta et Melilla dénoncent l’absence de progrès dans la réouverture des douanes commerciales entre l’Espagne et le Maroc. Malgré la feuille de route de 2022, les échanges restent paralysés, alimentant tensions politiques, frustrations économiques et incertitudes juridiques. Analyse complète de la situation.
Sebta et Melilla : les entrepreneurs à bout face au blocage des douanes commerciales
Alors que la réouverture des douanes commerciales de Sebta et Melilla devait symboliser une nouvelle ère dans les relations maroco-espagnoles, la réalité sur le terrain reste très éloignée des promesses diplomatiques. Les entrepreneurs des deux villes autonomes expriment aujourd’hui un profond exaspération : les échanges sont quasiment paralysés, les autorités restent silencieuses, et les perspectives de reprise semblent s’éloigner à mesure que les tensions politiques persistent.
Un blocage qui dure depuis 2018 et qui étrangle l’économie locale
Depuis août 2018, le fonctionnement de la douane commerciale de Melilla est totalement à l’arrêt. Cette paralysie résulte d’une décision unilatérale du Maroc, qui considère les deux enclaves espagnoles comme des territoires occupés. Malgré la reprise diplomatique amorcée en 2022 avec une nouvelle feuille de route convenue entre Rabat et Madrid, la situation demeure figée.
Les engagements pris à l’époque prévoyaient non seulement la réouverture complète de la douane de Melilla, mais aussi la création d’un poste douanier à Sebta, une première historique. Pourtant, plus de trois ans après la lettre de Pedro Sánchez exprimant son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara, rien n’a véritablement changé sur le terrain.
Le Maroc continue de faire pression pour obtenir une reconnaissance claire et officielle de la marocanité du Sahara, à l’image des positions adoptées par les États-Unis ou la France. L’Espagne, quant à elle, conserve une posture prudente, évitant toute déclaration ferme susceptible de raviver un dossier hautement sensible.
Des entrepreneurs à bout de souffle dans les deux villes autonomes
Sur place, la frustration est palpable. Les entrepreneurs de Sebta et Melilla affirment être victimes d’un étranglement économique qui dure depuis plus de cinq ans. L’impossibilité d’exporter leurs marchandises vers le Maroc prive les entreprises locales de leur principal débouché commercial, un marché historiquement vital pour ces territoires.
Depuis la réouverture partielle de la douane de Melilla en janvier dernier, les chiffres confirment la quasi-absence d’activité. Seules 19 marchandises ont franchi la frontière, dont sept seulement en direction du Maroc. À Sebta, la situation n’est guère plus encourageante, avec 42 marchandises enregistrées, selon la Confédération des entrepreneurs de Ceuta (CECE).
Ces données illustrent un blocage persistant qui mine progressivement le tissu économique local.
Une incertitude juridique qui décourage les opérateurs économiques
Le président de la Confédération des entrepreneurs de Melilla (CEME-CEOE), Enrique Alcoba, a récemment exprimé son incompréhension et sa colère. Il rappelle que la douane commerciale fonctionnait normalement depuis le traité de Fès de 1866, et que jamais une fermeture aussi prolongée n’avait été observée.
D’après lui, le problème n’est pas un supposé manque d’intérêt des entreprises, mais plutôt les conditions restrictives imposées au transit des marchandises. Les contraintes limitent les échanges à « quelques secteurs, comme celui des appareils électroménagers », créant une insécurité juridique qui dissuade les opérateurs de s’engager dans des exportations risquées.
Alcoba dénonce une douane qui semble « ouverte en théorie, mais inutilisable dans les faits », soulignant que l’absence de stabilité réglementaire bloque toute stratégie commerciale viable.
Pressions politiques et absence de réponses du côté espagnol
Face à ce blocage, Enrique Alcoba appelle le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, à défendre clairement les intérêts des entrepreneurs de Melilla. Malgré ces sollicitations répétées, aucune avancée concrète n’a été annoncée.
La situation a été d’autant plus mal perçue que, lors de sa récente visite à Ceuta, le président du gouvernement espagnol n’a pas évoqué la question des douanes commerciales, alimentant un sentiment d’abandon parmi les acteurs économiques des deux enclaves.
Le Maroc avance sur le terrain, mais les entrepreneurs restent sceptiques
Du côté marocain, une annonce a toutefois marqué l’actualité cette semaine : le lancement des travaux de rénovation du poste-frontière de Bab Sebta. Ce chantier, prévu pour durer six mois, vise à améliorer le transit des véhicules entre Sebta et le territoire marocain.
Si cette initiative représente un pas technique en avant, elle ne répond pas à la demande centrale des entrepreneurs : la reprise pleine et entière des douanes commerciales, indispensable à la survie économique des petites et moyennes entreprises de la région.
Un avenir toujours incertain pour les douanes commerciales
La situation actuelle demeure bloquée entre impératifs économiques et tensions politiques. Tant que le différend diplomatique autour du Sahara ne trouvera pas d’issue claire, la réactivation durable des douanes de Sebta et Melilla restera compromise. Pendant ce temps, entrepreneurs et commerçants attendent, inquiets de l’avenir de leurs activités.
